témoignage de Lucien THOLANCE

Témoignage de Lucien THOLANCE

Le quartier très étendu, des "Trois Bourdons" à "Bellejouanne", faisait partie de la paroisse Saint-Hilaire, dont l'église éponyme n'était pas à la porte à côté. Il y avait bien la chapelle des "Petites Sœurs des Pauvres" et la chapelle de "l'Institution des Sourds et Muets" sur l'avenue de Bordeaux (maintenant de la Libération), ainsi que route de la Torchaise, sur un terrain appartenant à l'évêché, une salle dans laquelle, parfois, un vicaire de Saint-Hilaire, venait célébrer une messe. Mais la situation était bancale.

Des personnes du quartier se réunirent. Après maintes discussions, elles décidèrent de demander à l'évêque de Poitiers, Monseigneur Vion, de fonder une paroisse, d'y nommer un curé à plein temps et de leur donner l'autorisation de construire sur ce terrain une petite église qui serait reliée à la salle existante. L'évêque accéda à toutes ces demandes et une organisation fut mise en place afin d'exécuter ce projet.

Mon père était évidemment de la partie. Plans, permis de construire, financement (pénible) furent établis en peu de temps. Il fallut alors penser à la main-d'œuvre et aux matériaux. Beaucoup de bonnes volontés se présentèrent et bientôt le chantier fut lancé.

Sur le terrain, un petit pré avec quelques arbres, on traça les fondations.
Comme j'étais disponible, je me suis retrouvé, aux côtés de quelques personnes, avec une pelle et une pioche en main, creusant les fondations, non d'une cathédrale, mais de l'église Saint-Martin !

Il fallait trouver de l'argent pour acheter les fournitures : sable, gravier, ciment, ferraille, charpente et toiture. L'évêché avança les premiers fonds, et bientôt les assises furent coulées.

Pour monter les murs, les moellons, les parpaings ou les briques étaient trop chers !… Nous avons décidé de fabriquer les matériaux nous-mêmes. Dans la salle existante, tous les soirs, des hommes se retrouvaient, gâchaient le ciment à tour de bras et moulaient des parpaings.

Nous bossions tard, jusqu'à une heure du matin. Il y avait toutes les couches sociales : ouvriers, employés, bourgeois et tout ce monde s'entendait bien. Vers minuit, des dames arrivaient avec des paniers remplis de sandwichs, de gâteaux, de fruits et de boissons : vin et café. Souvent, le nouveau curé, le Père Bressollette, nous apportait une bouteille de rhum. Il régnait une ambiance en même temps joyeuse, laborieuse et enthousiaste, il n'y avait pratiquement jamais de conflit, tout se déroulait dans la bonne humeur.

Quand les parpaings étaient secs, nous les sortions et les entassions le long des fondations. Lorsqu'il y en eut suffisamment, nous avons pu commencer à monter les murs.

J'ai travaillé là près de trois mois, d'abord comme terrassier, puis maçon et plus tard comme couvreur. Mais cela ne m'empêchait pas de penser à l'avenir qui, quand même, me préoccupait sérieusement. C'est à ce moment-là que j'ai trouvé du travail rémunéré qui m'a éloigné du chantier sur lequel je revenais en fin de semaine.

J'ai assisté à l'inauguration de l'église et au banquet… "grandiose" !…

Pendant les années qui suivirent, pour rembourser les dettes contractées par la paroisse, nous avons monté une troupe de théâtre qui, chaque année, donnait deux représentations dans la salle des fêtes de "l'institution des Sourds et Muets". Nous avons ainsi interprété des pièces de boulevard : "Aux urnes citoyens !", "La fille de l'air", "La cuisine des anges", "Feu Monsieur de Marcy" et quelques autres.

Des kermesses furent également organisées dont je fus partie prenante avec mes parents.
  
                                                                           Lucien THOLANCE