témoignage de Robert MAGNIEN


Témoignage de Robert MAGNIEN 


En 1949, n’ayant pas d’église dans leur quartier, les habitants décident de la construire eux-mêmesIl y a sur la route de la Torchaise une salle où l’on célèbre la Messe le Dimanche et à côté un grand terrain qui va jusqu'à l’Avenue de la Libération. C’est sur ce terrain que sera édifiée la nouvelle église Saint-Martin. C’est le Père Audigé, aumônier de l’Institution des Sourds et Muets qui est chargé de ce secteur et vient y dire la Messe tous les Dimanches. Ce secteur dépend de la Paroisse St-Hilaire. Le Curé Bonneau en est le responsable au moment où la construction va débuter ; l’Abbé Paul Bressollette vicaire à Bressuire (79) est chargé par Monseigneur Vion de cette construction et en deviendra le premier Curé.

Un comité paroissial est constitué, présidé par Monsieur Henri Boutin ; le trésorier est Monsieur Guimbrotière, et tous ceux dont je ne me souviens pas des noms. Tous les bras et les bonnes volontés des quartiers St-Martin, Bellejouanne, La Malcotte, Chilvert, Les Prés-Mignons, Chemin des Joncs, Les Rataudes sont prêts pour l’aventure.

En tout premier lieu, il faut fabriquer un très grand nombre de parpaings, mais pour cela il faut du sable et du gravier. Le propriétaire d’une carrière à St-Georges les Baillargeaux en offre. A nous de l’extraire et de le transporter.  Le dimanche suivant, départ pour la carrière dans le camion prêté par l’entreprise Barrat et conduit par Mr Augeard habitant Bellejouanne : c’est un camion de transport fermé, ouvert simplement par l’arrière. Il faut donc charger le sable par l’ouverture et être à 2 ou 3 dedans pour l’envoyer jusqu’au fond après l’avoir extrait. Il fallait être au moins 6 chaque semaine pour constituer une réserve pour pouvoir débuter la fabrication. A chaque voyage on rapportait environ 15 m3 de sable et gravier, et à l’arrivée il fallait décharger le camion à la pelle de la même façon, le long de la salle, sur le bord de la route de La Torchaise. Ce sable et gravier mélangé, il a fallu en cribler des quantités de brouettes pour faire le mortier, pour construire les murs en parpaings.

Touchant le terrain de St-Martin, sur la route la Torchaise, il y a un grand bâtiment, un entrepôt vide appartenant à Mr Molinari; il le met gracieusement à notre disposition ce qui va permettre la fabrication des parpaings à l’abri pour qu’ils sèchent plus rapidement. Mr Maindé a fabriqué des moules en fer. Et maintenant au travail. Tous les soirs, il y en a qui viennent en débauchant, d’autres dont je suis, viennent après le dîner et restent tard dans la nuit. Il faut faire les boulées de béton à la main car nous n’avons jamais eu de bétonnière. Les parpaings de 40/20/20 ne sont pas creux mais pleins donc très lourds, mais on est costaud. Pendant qu’une ou deux équipes font des parpaings, d’autres commencent le terrassement pour les fondations. Tout le monde est plein d’entrain. Nous sommes au mois d’Octobre. A la fin du mois de Novembre les semelles sont coulées, il faut qu’elles sèchent pour pouvoir commencer la construction.

Les plans avaient été établis par Mr Boissié et par un Père de Ligugé, et certainement un architecte, si mes souvenirs sont bons. Il y a aussi Frère Couturier, menuisier aux Sourds-Muets qui a beaucoup fait.

          Début Décembre, Mgr Vion, évêque de Poitiers, bénit et pose la première pierre. 
La construction proprement dite peut enfin commencer et ne va pas se ralentir jusqu'à la fin. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, croyant ou non. Il faut citer le nom de monsieur Autexier, facteur et communiste, et combien d’autres. Pour eux cette construction, c’était le quartier qui vivait. Il y avait une entraide formidable. Je me demande parfois, si aujourd’hui on voulait refaire la même chose, il y aurait le même élan. Je n’en suis pas si sûr. Des entrepreneurs ont apporté bénévolement leur soutien et prêté du matériel.

Construction des murs, des piliers, des chaînages. Il y a eu aussi la construction d’une énorme poutre métallique pour soutenir le mur de l’église et soutenir aussi la charpente de la salle, et permettre ainsi de démolir le mur du fond de cette salle. Cette poutre a été faite dans l’atelier d’un serrurier de la rue du Tourniquet. Les jours où il fallait couler les chaînages, côté après côté d’un seul coup, il n’y avait pas d’heure pour quitter le chantier dans la nuit : c’est le béton qui commandait. Il y avait aussi le ferraillage à faire qui prenait beaucoup de temps, ferraillage des piliers, des poutres et des chaînages. Il y avait aussi la grande croix derrière l’autel, les portes, les fenêtres, ensuite les pignons à chaque bout. Mais il ne faut pas oublier qu’il fallait chercher du sable et gravier, travail du dimanche matin.

Le plus impressionnant a été la pose de la croix au-dessus de l’entrée. Cette croix en béton avait été coulée au sol et quand elle a été bien sèche et suffisamment solide il a fallu la monter au sommet du pignon au dessus de la porte. Cette pose a eu lieu un dimanche après-midi. Cela a été spectaculaire. C’est Eugène Colin qui était volontaire pour le faire : il a pris un sac en jute, l’a plié en quatre, l’a posé sur son épaule. Avec de l’aide, il a posé la croix sur son épaule. Il y avait une grande échelle, vous voyez la hauteur, et il a commencé à monter, je peux vous dire que cette croix était très lourde. Échelon après échelon, il montait, nous retenions notre souffle, on aurait cru voir Jésus montant au Calvaire. D’autres ouvriers l’attendaient pour l’aider et poser la croix, mais le résultat était là, la croix était bien au sommet de l’église.

La construction se continuait, pose de la charpente métallique, pose des plaques d’éternit, ces plaques dont il fallait couper un coin à la scie égoïne sans se soucier des poussières d’amiante. On ne connaissait pas le danger de cette poussière. Puis il y a eu les enduits intérieurs et extérieurs, la construction de l’estrade pour l’autel,  la pose des portes en chêne massif et des fenêtres.
Si mes souvenirs sont bons, je crois que les portes ont été fabriquées à l’atelier de menuiserie des Sourds et Muets avec le Frère Couturier. Pose du parquet par la menuiserie Poupin, pose des fenêtres, et du plafond, installation  électrique. Il y a eu ensuite toutes les finitions.

Il y a certainement beaucoup d’oublis dans ce récit, c’est tellement loin.

Puis le 18 Mai 1950, jour de l’Ascension, c’est la bénédiction de l’Eglise, par Monseigneur Vion. On peut voir sur les photos le déroulement de la cérémonie. Pour la messe, célébrée par Monseigneur Vion, tout le monde était debout, seul le clergé était assis sur des bancs. Une grande estrade avait été installée devant la porte d’entrée sur laquelle une fête a eu lieu l’après-midi, suivie du salut à l’extérieur, je crois.
 Ce fut une très belle fête par un beau jour de printemps. Le soleil était de la partie.

De tous les constructeurs, je pense que ceux qui restent doivent se compter sur les doigts de 2 mains peut-être 3. Par contre il reste ceux, et ils sont plus nombreux, qui sans être constructeurs, soutenaient les travailleurs. Il y a celles qui fabriquaient des gâteaux pour nous les apporter, surtout le samedi et le dimanche.


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1950 – 2010
Noces de Diamant : 60 ans de vie commune entre l’Eglise Saint-Martin et cette communauté paroissiale très vivante.

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                                                                                                                       Robert Magnien
                                                                                          Février 2012